Chacun de nous est un peu comme un naufragé perdu sur son îlot. Nous sommes tous seuls
à des degrés divers, et il n'est pas aisé de faire le tour de l'isolement ou de la
solitude afin de pouvoir accoster, en vue d'établir à nouveau des liens ou d'avoir des
échanges. Renouer avec la capacité de nous relier à l'autre implique le pouvoir de
surmonter les distances physiques, affectives ou autres, tout en prenant le risque d'être
déçu à nouveau. Il faut aussi un travail d'élagage, de débroussaillage, pour y voir
plus clair dans le maquis de mes sentiments confus.
Nommer ses sentiments
Il est essentiel pour l'être humain de pouvoir parler. D'avoir des mots pour raconter ses
angoisses et anxiétés. En général l'accès au sentiment est confus. Chacun ressent une
émotion globale diffuse " Je suis énervé. trépidant. Indécis, inquiet.
consterné. etc...
Plusieurs sentiments sont mêles ou ressentis en même temps. sans pouvoir les distinguer
clairement. Il est possible de démêler l'écheveau en classant ces phénomènes en
quatre sentiments de base: peur. joie. colère. tristesse et cinq sentiments mêlés qui
combinent deux des quatre sentiments de base. Il est possible ainsi. soit de classer tout
de suite son impression suivant l'un des sentiments de base ou bien de repérer d'abord un
sentiment mêlé puis de distinguer les deux sentiments de base présents. Voici quelques
exemples
SENTIMENTS MELES SENTIMENTS DE BASE
Souci = Peur et tristesse |
Honte = Peur et joie |
Jalousie = Peur d'être
abandonné et colère |
Envie =
Tristesse et colère |
Culpabilité = Peur de
désobéir et colère contre la loi |
Haine = Peur de l'autre et
colère contre lui |
TABLEAU DES EQUIVALENCES POSSIBLES
PEUR |
COLERE |
TRISTESSE |
JOIE |
Anxieux |
fâché |
apathique |
affectueux |
Timoré |
contrarié |
honteux |
agréable |
Modeste |
amer |
abattu |
confortable |
Désorienté |
énervé |
ennuyé |
enthousiaste |
Confus |
envieux |
vaincu |
exubérant |
Craintif |
furieux |
déprimé |
en harmonie |
Fourbe |
renfrogné |
désespéré |
chanceux |
Défensif |
hostile |
détaché |
libre |
Emotif |
affamé |
découragé |
en communion |
Faible |
hystérique |
dégoûté |
amical |
Effrayé |
jaloux |
embarrassé |
en forme |
Coupable |
mesquin |
vide |
bon |
Harcelé |
insatisfait |
humilié |
reconnaissant |
Démuni |
sous pression |
blessé |
heureux |
Humble |
qui proteste |
inadéquat |
amoureux |
Inhibé |
provoque |
isolé |
gai |
Agité |
rancunier |
léthargique |
plein d'espoir |
Perdu |
révolté |
malheureux |
ravi |
Nerveux |
choque |
négligé |
intense |
Panique |
suffisant |
nostalgique |
allègre |
Pessimiste |
excité |
rejeté |
joyeux |
Chancelant |
sauvage |
triste |
aimé |
Plein d'appréhension |
mécontent |
sot |
merveilleux |
Tendu |
trompé |
affligé |
tendre |
Angoissé |
trahi |
désolé |
en sympathie |
Timide |
détesté |
fatigué |
optimiste |
Incertain |
frustré |
laid |
passionné |
Coincé |
dur |
blessé |
décontracté |
Troublé |
critique |
inintéressant |
satisfait |
Dévalorisé |
agacé |
mal à l'aise |
chaleureux |
Bien distinguer chaque sentiment de base dans le sentiment mêlé permet de clarifier et
de gérer chacun d'eux séparément et avec efficacité. Ces sentiments peuvent être
positifs ou négatifs, il faut pouvoir les assumer afin qu'il n'entravent pas notre
relation à l'autre et à nous-mêmes. Cette possibilité d'échanger demande aussi
l'apprentissage d'une bonne écoute.
COMMENT ECOUTER?
Les bonnes habitudes d'écoute
* prendre du temps pour bien enregistrer et penser à ce
qui est dit, |
* écouter avant de juger ou d'intervenir, |
* identifier les points importants, les arguments du
discours de l'autre, |
* éviter d'être distrait, accaparé par des sentiments
qui perturbent l'écoute, |
* laisser les idées neuves et différentes nous
atteindre, |
* anticiper sur ce qui peut venir et faire mentalement des
comparaisons, des points de repère, des récapitulations, |
* rester attentif au ton, aux gestes, aux mimiques, à
tout ce qui révèle les sentiments. |
Comment écoutez-vous?
Voici plusieurs comportements d'écoute. Reconnaissez-vous vos attitudes?Essayez
d'identifier de quelle catégorie d'auditeur vous faites partie, en cherchant à acquérir
les qualités requises pour devenir un auditeur attentif, ouvert au bruit de fond du
monde, de la mer, du ciel, pour écouter le bruit des sons au cur de la tempête,
pour qu'advienne enfin la musique du sens
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Le sourd |
Le
distrait |
Le
bébé |
Le
conformiste |
L'auditeur
habituel |
L'auditeur
attentif |
L'auditeur
sélectif |
Le bruit |

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L'information connue |

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L'information nouvelle |

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Rien ne se passe |
Le bruit de fond
parvient à le détourner du message |
Tout passe au
même niveau |
Il n'écoute que
la partie connue du message |
Il écoute tout
en partie |
Il écoute le
message dans son entier |
Il n'écoute que
la partie nouvelle du message |
La bonne gestion des polarités relationnelles (proximité-distance, parole-silence,
intensité-durée, ressemblance-différence) de même que la conscientisation des
sentiments qui m'habitent, me permettent de sortir de mon îlot d'isolement. Le tissage
des liens relationnels, au sein d'une bonne communication, m'ouvre à un monde ou les gens
se parlent de sujet à sujet, de personne à personne (pas de personnage à personnage).
Ce même type de relation avait déjà été envisagé au départ de notre histoire. En
effet, dès la création, Dieu a voulu avec nous une relation de partenaire à partenaire,
de sujet à sujet, sans schéma d'autorité contraignante ou manipulatrice, qui aurait
installé un mal-être originel.
En voici le schéma simplifié, dans lequel j'espère qu'il sera facile au croyant de se
reconnaître:

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La relation avec lui était transparente, réciproque, authentique, une vraie
communication, comme elle doit l'être entre un émetteur et un récepteur, par
l'intermédiaire d'un canal fiable.
Voilà le modèle de base d'une véritable communication, qui permet de s'entretenir sans
malentendus et de grandir dans la découverte de sa propre identité (partenaire digne
d'intérêt) et avec la possibilité de s'exprimer (affirmation de soi).

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La relation chaleureuse et de confiance a été interrompue par le péché, et au lieu de
percevoir les qualités fondamentales de Dieu: son amour et sa justice, son attention et
sa bonté, la sécurité qu'il voulait apporter, le don de sa présence, le soutien et
l'accueil; notre cur s'est rempli de sentiments négatifs et notre comportement a
été affecté: peur, indifférence, colère, amertume, révolte, critique, rejet,
ressentiment...
Alors que nous devions être porteurs de l'image du créateur en nous: "Voici,
l'homme est devenu comme l'un de nous..." (Gen.3.22) nous n'en sommes plus qu'une
bien pâle copie. Le rythme de vie fraternel est devenu fratricide (Cain et Abel):
jalousie, dispute, compétition, exclusion: "Je mettrai inimitié entre toi et la
femme, entre ta postérité et sa postérité..." (Gen.3.15).
Le lien avec Dieu s'est fait plus distendu: proximité/intimité débouche sur
éloignement/méfiance. Devenus étrangers à Dieu et à son intention.

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Il faut se rappeler que malgré l'irruption du péché qui parasite notre contact avec
Dieu, le lien n'est jamais complètement rompu, simplement nous devons apprendre à gérer
un nouvel espace relationnel, composé d'éléments qui semblent contradictoires:
proximité/éloignement de Dieu il est proche (mais jamais au point que je puisse le
mettre dans ma poche) et loin (jamais éloigné au point qu'il ne puisse plus m'entendre
et venir à mon secours)., il se montre et se cache (à cause du péché), il parle et se
tait. Nous sommes semblables à lui et très différents...
La vraie vie trouve donc son origine dans le projet initial de Dieu à l'égard de sa
créature:
1. au niveau personnel et collectif, dans le projet de la
création: "Il a fait que tous les hommes, sorti d'un seul sang,
habitent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les
bornes de leur demeure... En lui nous avons la vie, le mouvement et l'être... de lui nous
sommes la race..." (Ac.17.26-28),
2. au niveau personnel, dans le projet qu'il a pour
chacun en particulier: "C'est toi qui a formé mes reins, qui m'a
tissé dans le sein de ma mère... Je te loue d'être une créature si merveilleuse... Mon
corps n'était pas caché devant toi lorsque j'étais fait dans un lieu secret.... J'ai
été tissé dans les profondeurs de la terre; quand je n'étais qu'une masse informe et
vide, tes yeux me voyaient... Et sur ton livre étaient inscrits tous les jours qui
m'étaient destinés, avant qu'aucun d'eux n'existât..." (Ps.139.13-17). Ainsi ma
vie existe d'abord comme projet de Dieu avant de s'incarner comme une réalité physique
ou spirituelle. Et même quand j'agis en tant qu'être humain, ce qui fait ma valeur c'est
que je peux devenir transformé par la grâce de Dieu.
Pour le croyant que je suis, la vie est sacrée à cause de cette origine divine. Bien
sûr il y a différentes qualités de vie (la vie végétale, animale, cellulaire,
humaine...).
Quand on pose la question aux gens: "Pour vous, quand commence la vie?", ils
disent
* quand les cellules se
rencontrent à la fécondation, car l'âme qui s'implante dans le corps est immortelle
(conception catholique), |
* quand le ftus bouge ou
bien quand la grossesse devient visible, |
* quand le ftus atteint un
certain stade de maturité (après 24 à 28 semaines), |
* à la naissance: la vie
commence après l'anniversaire, |
* au moment du baptême, |
* quand l'enfant marche, parle et
se fait comprendre par le langage, |
* quand commence la vie sociale, |
* quand l'enfant sait réfléchir
et tenir un discours logique... |
De même que le ftus est considéré par sa maman qui le porte comme son enfant
chéri, comme une personne à part entière, objet de son attention, Dieu me considère
comme son enfant, candidat au bonheur et au salut. Son amour est immense: "Une
femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? Si elle l'oubliait, moi je ne t'oublierai
pas..." (Es.49.14-15).
1. bien sûr la vie a été gâchée par
l'irruption du péché, "comme par un seul homme le péché est entré dans le
monde, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes..." (Ro.5.12);
mais Dieu a prévu le remède: "... car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné
son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu'il ait la vie
éternelle..." (Jn.3.16)
2. Dieu a donné la vie, je suis porteur de
lui, porteur du créateur. Mieux encore, il donne un sens à la vie, une raison d'exister,
car je me sais aimé de lui, ayant à ses yeux une valeur unique, précieuse, au point
qu'il a donné son fils pour moi, pour que je vive pleinement, et pour que je suis heureux
en lui, en m'inscrivant dans cette relation filiale d'amour: "toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu..." (Ro.8.28)
3. Certaines expériences ne sont pas
comprises tout de suite, j'ai des certitudes, mais encore bien des questions, il demeure
bien des mystères. Pour que je comprenne vraiment quelle valeur unique j'ai aux yeux de
Dieu, et combien il m'aime. Jésus l'a expliqué à docteur Nicodème: " en
vérité en vérité je te le dis, si un homme ne naît d'en haut, il ne peut voir le
royaume de Dieu".
Encore une fois, ce n'est pas naître "de nouveau", mais bien "d'en
haut". Il faut donc s'élever, rechercher ses valeurs auprès de Dieu. Pas un Dieu
lointain, mais un Dieu proche, qui s'est incarné en Jésus, qui est à mes côtés, au
quotidien, mais qui me demande de voir les choses avec une certaine hauteur (pas hautain),
mais prendre recul, hauteur, voir dans perspective d'histoire du salut, de la relation
d'un créateur qui dès le début de la création), et même déjà avant (en tant que
projet), a voulu le bien de sa créature, car il l'aime, l'a dit par son prophète "De
loin l'Eternel se montre à moi: je t'aime d'un amour éternel; c'est pourquoi je te
conserve ma bonté" (Jé.31.3).
Conséquences pratiques
1. Avec Lui (le créateur), je sais d'où je
viens (de son projet initial) et qui je suis: sa créature bien aimée;
2. Ma vie a un sens, et je dois respecter
cette vie sous toutes ses formes, même la vie diminuée ou handicapée,
3. Je dois améliorer et cogérer le cadre
de cette vie (la nature, la société, la famille...),
4. La grande famille humaine a un papa et
une maman en commun: Dieu (nous reviendront sur cet aspect fondamental). Nous sommes tous
frères et surs, ses enfants;
5. Respect des autres, respect de soi même:
"Aime Dieu, de tout ton cur, de toute ton âme et de toute ta pensée, et ton
prochain comme toi-même" Lé.19.18 et Mt.22.34-40),
6. Chacun est appelé à mûrir, à grandir
sur le chemin de la vie, dans l'escalade de la maturation. Si nous sommes encore des
ftus, vivre la naissance d'en haut; si nous sommes des enfants, devenir des adultes;
7. Avec l'onction de son Esprit et la
présence de son fils dans notre vie, nous pouvons dépasser les blessures affectives,
existentielles ou spirituelles qui nous empêchent encore d'arriver à la paix, de vivre
une bonne qualité d'existence.
8. Dieu d'affection, de gentillesse (comme
une maman) Dieu de justice et de compassion (comme un papa) nous entoure des bras,
9. Il a fait le 1er pas (à la création ,
à la croix,) et m'invite à le suivre, guide digne de confiance,
10. Histoire de la poule-aigle. Je suis bien
à l'abri de ses ailes: "...Protège-moi à l'ombre de tes ailes..." (Ps.17.8);
"...Il te couvrira de ses plumes, et tu trouveras un refuge sous ses ailes..."
(Ps.91.4). Vole avec lui sur les ailes de la foi, élève-toi: "Pareil à l'aigle qui
éveille sa couvé, voltige sur ses petits, déploie ses ailes et les prend, les porte sur
ses plumes..." (De.32.1)
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