LES SENTIMENTS
Le mépris
Mépris: risque qui guette chacun. Un homme peut, sans s'en rendre
compte, être amené à manifester, par vanité, du mépris envers la femme qu'il aime.
Organisant toute la vie autour de sa seule préoccupation professionnelle, il néglige
ainsi le désir de celle-ci, l'annihile activement, ne lui laisse pas d'autre choix que
d'être là sans exister pleinement. Elle est ainsi exclue de toute possibilité
d'accomplissement de soi, car son conjoint la met en position de l'accompagner
passivement, de le suivre dans son évolution de carrière.
Pour les psychanalystes, le mépris fait partie du processus psychique inhérent aux
personnalités narcissiques (voir KERNBERG O., Les personnalités narcissiques,
Dunod, Paris, 1997; MORAVIA A., Le mépris, Flammarion, Paris, 1955; BERGERET J., La
violence fondamentale, Payot, Paris, 1990). Il est le moyen pour tenir l'autre à
distance de son "soi grandiose" et permet de manipuler l'entourage sans user de
violence physique. Il est une forme de violence parmi d'autres (maltraitance conjugale,
violence au travail, abus sexuels, maltraitance institutionnelle, violence physique,
insultes...)
La violence relève du besoin et du biologique; elle n'est pas de l'ordre du langage, du
symbolique. Elle court-circuite la pensée verbale. En clinique on a souvent affaire au
passage à l'acte.
L'indifférence
L'indifférence n'est pas le mépris: l'indifférence est passive; c'est
l'inaction autant que le fait de ne pas y penser et de ne pas en parler. En revanche, le
mépris est très actif. Ici, la victime n'est pas frappée, n'est pas tuée: le vivant
n'est pas voué à la destruction. Le mépris est autant un sentiment qu'une attitude
envers quelqu'un, un groupe ou une chose considérés comme indignes d'estime. Le mépris
place celui qui en use au-dessus de ce (ceux) qu'il méprise. Domination, mise à l'écart
et condamnation en sont les maîtres mots. C'est la raison pour laquelle la figure
fondamentale, et même fondatrice, du mépris, est l'esclavage. Esclavage antique,
esclavage médiéval, puis esclavage des Africains par les Européens, jusqu'aux formes
les plus modernes de l'esclavage. Suppression chez l'autre de toute appartenance à
l'humanité. Le dualisme a permis de le maintenir (l'autre n'a pas d'âme, en aura une
plus tard). Certain font l'éloge du mépris, comme attitude morale: un bon chrétien
devrait mépriser le temporel (particulièrement le corps et les choses corporelles) pour
mériter le salut.
Le rationalisme occidental a perpétué une forme de mépris en prônant la supériorité
de l'intelligence conceptuelle au détriment de l'intelligence pratique et corporelle:
triomphe du conceptuel sur l'ingéniosité pratique! Nous jugeons supérieures aux autres
les professions dites intellectuelles. Ceux qui conçoivent plus qu'ils n'agissent,
éprouvent un mépris non conscient (la plupart du temps), envers ceux dont la profession
touche au corps ou utilise le corps. Jeu de domination et de disqualification (aussi
rapport homme/femme).
Le mépris amorce la déshumanisation, par la perte d'identité, la négation d'humanité
et/ d'âme: on peut donc torturer, mais sans passer à l'acte. Le mépris joue un rôle
destructeur au niveau de la personne et au niveau social, car il perturbe l'estime de soi,
pollue les relations intra et interpersonnelles. Il est un sentiment et une attitude
opposés à l'exemple laissé par Jésus et en violation avec la démarche de Dieu à
notre égard, avec celle qui attend de nous. C'est un crime contre la loi d'amour
instaurée dès la création et qui apparaît à chaque détour de l'itinéraire biblique

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Itinéraire biblique sur le chemin de l'amour
La Bible parle d'amour de manière poétique et sous ses multiples
facettes (conjugal, filial, fraternel, parental...):
"Que ta source soit bénie. Et fais ta joie de la femme de ta jeunesse. Biche des
amours, gazelle pleine de grâce: Sois en tout temps enivré de ses charmes, sans cesse
épris de son amour" (Pr.5,18-19)
L'amour authentique présente quelques caractéristiques de base:
"Que l'amour soit sans hypocrisie": affection, tendresse, sympathie,
avec la transparence qui lui permet de durer, de conjuguer l'intensité du moment et la
fécondité de la durée.
Il est un des fruits de l'Esprit:
"Mais le fruit de l'Esprit est amour, joie, patience, bonté, bienveillance,
fidélité, douceur, maîtrise de soi" (Ga.5,22)
C'est pour cet amour que Jésus a prié, c'est un don de Dieu à
partager:
"Je leur ai fait connaître ton amour, et je le leur ferai connaître, afin que
l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que je sois en eux" (Jn.17,26)
Ingrédient du bonheur, ciment des relations:
"Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car l'amour est de Dieu, et
quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu,
car Dieu est amour" ( 1Jn.4,7-8)
Paul chante un hymne à l'amour:
"L'amour est patient, l'amour est serviable, il n'est point envieux; l'amour ne
se vante pas, il ne s'enfle point d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche
pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de
l'injustice, mais il se réjouit de la vérité, il pardonne tout, il croit tout, il
supporte tout" (1 Co.13,4-7)
L'amour d'en haut, d'origine surnaturelle, est patient de nature. Mot composé de deux
éléments: makros = éloigné, loin de et qumos = colère, fureur. Il dénote la
capacité de retenir, de tenir éloigné, de contenir l'indignation juste ou injuste qui
peut surgir dans un être. Il dénote aussi l'attitude de quelqu'un qui a largement la
possibilité de se venger, mais qui ne le fait pas.
La Bible nous invite à démontrer cette attitude dans nos relations
interpersonnelles:
"Soyez donc patients, frères, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le laboureur
attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il
ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison. Vous aussi, soyez patients,
affermissez vos curs, car l'avènement du Seigneur est proche" (Ja.5,7-8)
L'amour est serviable: il se donne aimablement au service de l'autre, par le
triomphe sur l'égoïsme paresseux et sur la disposition à se servir des autres. La
racine du terme, (crhstos ) évoque la douceur:
"mon joug est léger..." (Mt.11,30), s'aider les uns les autres allège
le fardeau quotidien est le rend plus doux par la solidarité
"le vieux vin est bon..." (Lu.5,39): il a mûri au soleil de l'amour et
à la chaleur de l'attention. Parabole de l'habit neuf qu'on ne déchire pas pour mettre
sur du vieux, car la pièce ne s'accordera pas (sumjwnhsei ). L'harmonie sera rompue, la
symphonie sera brisée.
"Soyez bons (crhstoi ) les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant
réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ" (Ep.4,32)
"l'amour ne se vante pas". Il ne se laisse pas dévorer par la
jalousie, la compétition qui pousse au meurtre (Caïn par rapport à Abel...)
"il ne s'enfle pas d'orgueil", connaît ses limites
"il ne fait rien de malhonnête": il orchestre les paroles, les gestes,
les comportements sur ce qui édifie, encourage autrui, fuit ce qui offense
"il ne cherche pas son intérêt": cherche à servir plutôt que de se
servir de
"il ne s'irrite pas" (paroxunetai ): colère au paroxysme est refusée,
ne s'aigrit pas face aux agressions extérieures et intérieures; rend le mal par le bien.
"il ne médite pas le mal" (logizetai ): terme juridique, ne tient pas
un registre des dommages subis, il efface volontiers les erreurs de passé. Dieu a eu
cette même attitude avec nous, depuis le début: "Car Dieu était en Christ,
réconciliant le monde avec lui-même en n'imputant point aux hommes leurs offenses, et il
a mis en nous la parole de la réconciliation" (2 Co.5,19)
"il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité":
la vérité et la bienveillance se rencontrent, la justice et la paix s'embrassent
(Ps.85,11). Le véritable amour ne peut se réjouir de l'injustice, il exerce la
discipline. L'amour sans la justice est la faiblesse, la justice sans l'amour est la
dictature.
Les derniers versets montrent la force colossale de l'amour:
"il pardonne tout": il n'existe pas de péché trop grave pour être pardonné,
pas de manquement trop important pour être surmonté
"il croit tout, il espère tout": il ne regarde pas seulement les circonstances
présentes, mais voit aussi le potentiel, les possibilités. Il ne se lasse jamais
d'espérer et d'inventer des solutions dans sa créativité
"il supporte tout" (upomenei ): terme militaire décrivant l'attitude de celui
qui tient à tout prix une position. L'amour est assailli de toutes parts (tentations
internes et externes). Garder la détermination du militant, tenir ferme dans l'engagement
prix d'aimer. Est aussi une des caractéristiques du croyant présentée dans Ap.14,12, de
celui qui garde les commandements et qui possède la foi de Jésus: "C'est ici la
persévérance des saints... (upomonh ).
Amour en pensée, en actes, en attitude, cherchant la (ré)conciliation. Evite à l'amour
de s'essouffler, de s'épuiser.
Votre amour pour... (votre femme, mari, enfant, collègue, père, mère, etc...)
1 Corinthiens 13.4-7 |
Pas du tout |
Un peu |
Beaucoup |
... est
patient
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...est serviable
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...n'est pas envieux |
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...ne se vante pas |
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...ne s'enfle pas d'orgueil |
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...ne fait rien de malhonnête |
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...ne cherche pas son intérêt |
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...ne s'irrite pas
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...ne médite pas le mal |
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...ne se réjouit pas de l'injustice |
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...se réjouit de la vérité |
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...pardonne tout
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...croit tout
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...espère tout
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...supporte tout
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