Juliette, ou la recherche dun
autre moi :
1) Introduction :
Dans mon activité de psychothérapeute, jintègre la foi aussi bien au niveau de
mon cadre théorique que de ma démarche pratique. Je suis amené à accompagner des
personnes : celle qui veut faire un travail sur elle-même (mieux se connaître,
développer ses potentialités), celle qui désire apprivoiser certaines peurs, surmonter
certains douleurs (perte, séparation, processus de deuil à faire, séquelles dabus
ou sévices), celle qui est amenée à intégrer des sentiments parfois destructeurs
(haine, ressentiment, rancune, jalousie, ou tout simplement indifférence
), celle
qui veut se libérer dune dépendance (addiction par rapport à un produit (drogue,
alcool
) ou par rapport au jeu, au sexe, à une autre personne (codépendance
affective)
Le but est de créer un climat de confiance, de respect, dacceptation,
daccueil, nécessaire à la personne souffrante et prise en charge, pour intégrer
les différents éléments mentionnés, mais dans une optique de croissance et de
guérison (si possible) : le travail que nous entreprenons, est parfois douloureux, mais
toujours fécond et libérateur (sil est bien fait).. Il doit apporter un changement
satisfaisant avec les ingrédients suivants :
1. diminution ou disparition de la peur ou
de lanxiété face au traumatisme, au choc, face à la maladie, face à une perte ou
à un deuil ;
2. aider à la clarifier sa propre
situation, surtout dans les moments difficiles et délicats ;
prendre certaines décisions ;
3. se sentir mieux dans la gestion des trois
dimensions du temps (passé, présent, futur) ;
4. trouver un sens à la vie ;
5. répondre aux questions importantes
quon ne manque de se poser à un moment ou lautre de sa vie ;
6. vivre dans le shalom (la paix) dans la
relation avec son Dieu, avec son prochain et avec soi même
b) Cest dans ce contexte que jai fait la connaissance de Juliette, une jeune
femme de 43 ans (je sais quen général il nest pas élégant de donner
lâge dune dame, mais je le fais quand même). Elle men a donné
lautorisation. Vous voyez, parfois il suffit de demander.
Elle ma contacté au début de lannée 2000, suite à séminaire sur
lestime de soi et sur laffirmation de soi.
Elle me dit quelle était intéressée à travailler avec un psychothérapeute
chrétien, pour « régler quelques petits problèmes personnes à la lumière de
lenseignement biblique ».
Dans le contrat thérapeutique que nous avons passé ensemble, elle ma expliqué sa
problématique.
Elle est née en 1957, a une sur plus âgée quelle de deux ans, mais
quelle a perdu de vue depuis leur enfance (mise en pension). Elle a surtout été
confrontée à une image négative de ses parents :
le père était surtout impliqué dans la réussite sociale et professionnelle de sa vie
(commerçant), et il est connu pour être un coureur de jupons invétéré ! Il accumulait
les maîtresses et les expériences amoureuses comme dautres collectionnent les
Pokémon !
la mère elle était plutôt soumise, passive, préférant fermer les yeux sur une
réalité quelle ne préférait pas voir. Elle se taisait, et souffrait en silence !
Juliette, elle, a été coupée des parents dans les premières années de sa vie : à
lâge de 1 ans, elle est élevée par ses grands-parents paternels, qui habitaient
dans le sud de lItalie, dont elle garde un souvenir magique et enchanté. A 4 ans
elle revient en France, où elle connaîtra très vite les sombres années dune
éducation en pensionnat.
Quand elle a 12 ans, ses parents divorcent, ce qui la chagrine beaucoup. Mais comme le dit
son père : « ce nest rien ma chérie » : pas le droit de se plaindre, et
obligation de vivre dans le déni : faire semblant que tout va bien , refuser ce qui est
mal ou ce qui fait mal !
La maman continue de souffrir, ne se remettant pas de son divorce. Le père, lui,
sengouffre dans ses affaires.
Durant son adolescence, Juliette aurait préféré être un garçon : elle shabille
comme un garçon, joue comme un garçon, fréquente une bande de garçons, loin de cette
image de la féminité qui lui rappelle la mère souffrante et effondrée, la femme
blessée et niée. Elle vénère son père (mon père ce héros, ma mère ce zéro) !
Lhomme est fort, il a le dernier mot (en tout cas dans certains systèmes) !
Chose étrange : à 15 ans, elle tombe amoureuse de sa prof. danglais, mais
nen parle à personne. Cette femme lui montre (de manière platonique, sans passage
à lacte), que la féminité peut être douceur, tendresse, attention, jouissance,
accueil, et pas seulement souffrance silencieuse, soumission inconditionnelle, comme si
être femme ou mère signifiait forcément être un paillasson destiné à maintenir
propres les lieux de ces familles où marchent les hommes aux chaussures à la grande
pointure.
A 20 ans, elle est très amoureuse dun garçon, avec lequel elle vit. Un soir de
mars, il se tue en moto, ce qui cause à Juliette un immense chagrin, et la confirme dans
ses premières impressions denfant: décidément, il est dur dêtre une femme,
et il est douloureux dêtre une femme et de vivre avec un homme. Elle en arrive
inconsciemment à poser léquation suivante : le destin de la femme qui vit avec un
homme est de souffrir ; et pour ne pas souffrir, il ne faut pas vivre avec un homme.
Mais comme en même temps « je ne suis pas faite pour vivre seule », et bien je vais
vivre avec une femme. Cette douleur que je traverse ne se prouve pas, mais elle
séprouve. Les hommes donnent des coups, les femmes donnent la tendresse.
A lâge de 21 ans Juliette sinstalle donc chez une amie, avec qui elle
développe une vie de « couple » fondée sur léchange et la fidélité, qualités
encore présentes au moment de notre rencontre.
Dans le travail que nous entreprenons, notre patiente prend petit à petit conscience
quelle souffre de plusieurs blessures :
1. une blessure identitaire :
qui suis-je vraiment ? quelles sont mes racines ?
2. une blessure narcissique : est-ce
que je vaux quelque chose ? suis-je digne dêtre aimée ? est-ce que je peux compter
pour quelquun ? si je me donne, est-ce quon va forcément me faire mal ?
3. une blessure de laltérité :
jai non seulement du mal à accepter que je sois moi, mais aussi que je suis
différent(e) de lautre. La différence homme/femme. est abolie, et puisque
lhomme, le mâle, fait mal (voir mon père, qui a fait souffrir ma mère ; voir mon
ancien ami, mort en moto, qui me fait souffrir de son absence), je ne vis quavec la
personne qui ne me fait pas mal, à savoir une femme.
4. une blessure affective : jai
peur dêtre seule, peur dêtre liée à quelquun qui me fera mal. Je
choisis donc quelquun (je devrais dire quelquune) qui ne me laissera pas
seule, mais qui ne me fera pas non plus souffrir dans notre relation. Une personne qui est
comme moi : une femme, qui a peur de lhomme, et qui est disposée à ne pas faire
souffrir. En fait, quelquun qui est pratiquement une autre moi . Ma quête est
guidée par le désir de trouver un autre, mais un autre moi, semblable à moi, qui est
comme moi, un peu mon miroir. Mais ce faisant, je nie le processus de différentiation de,
qui est le pendant de lidentification à. Or, la santé, cest de trouver
léquilibre dynamique, la bonne distance, dans le double processus qui mène à
laffirmation de soi : identification à, différentiation de.
Lhomosexualité, quelle soit masculine ou féminine, cest en quelque
sorte le gommage, la disparition dun de ces deux temps ; loubli (conscient ou
inconscient, volontaire ou involontaire) dun de ces deux mouvements structurant,
dont la disparition ne peut mener quà une impasse. Cest en ce sens une
disparition de la limite.
Après six mois de travail ensemble, nous avons commencé à étudier la Bible, pour voir
ce quelle pouvait nous apporter.
2) Quelques jalons bibliques :
Nous avons vu que la Bible parlait relativement peu de lhomosexualité (désigné
comme le désir envers quelquun du même sexe, avec en général passage à
lacte, mais pas forcément). Sil sagit dune amitié forte entre
gens du même sexe, dune attirance qui normalement est vécue entre gens du sexe
opposé, nous préférons parler dhomophilie).
Quand la Bible parle dhomosexualité, nous avons vu que cest pour condamner la
pratique avec sévérité, et nous risquons vite de tomber dans lhomophobie. Ce
nest bien sûr pas la position que nous voulons adopter.
Lattitude des gens de Sodome est condamnée (Genève 19), car ils cherchent à
abuser les deux envoyés de Dieu, hébergés par Lot. Lévitique 18,22 et 20,13,
dénoncent labomination, consistant à « coucher avec un homme comme avec une femme
», et dont la punition nest pas moins que la mort.
Dans le Nouveau Testament, Jude déclare : « que Sodome et Gomorrhe et les villes
voisines, qui se livrèrent comme eux à la débauche et à des vices contre nature, sont
donnés en exemple, subissant la peine dun feu éternel » (Jude 7).
Nous avons pu lire que Paul voyait dans la pratique homosexuelle un obstacle majeur à
lentrée dans le royaume de Dieu, mais quil ny avait aucune raison de se
focaliser sur ce problème unique, qui nest ni plus grave ni moins grave que les
autres mentionnés : « Ne savez- vous pas que les injustes nhériteront pas le
royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les
adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les
ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, nhériteront le royaume de Dieu » 1
Corinthiens 6, 9-10).
Petit à petit nous sommes arrivés (ensemble), à comprendre que lhomosexualité
était le symptôme dun double refus : le refus de la différence et de la limite,
qui nous rappelle étrangement lattitude de nos premiers parents, Adam et Eve, qui
avaient voulu oublier les limites de leur condition humaine, pour devenir comme des dieux
en désobéissants. Ils avaient pourtant été créées Homme et femme (Ish et Isha) : pas
Ish et Ish ou Isha et Isha (mais bien différenciés dans leur complémentarité). La
confusion la emporté, où lon ne veut plus la différence entre le bien et le
mal, entre le vrai et le faux, entre le juste et linjuste : état
dindifférenciation et de confusion, qui oublie le sens fondamental de la sexualité
qui est accueil et respect de lautre (pas dun autre moi-même, mais dun
autre dans sa spécificité, dans sa différence-complémentarité).
Nous avons compris que dans Genèse 1,27 (fin du verset : «
il créa lhomme
et la femme (ish et Isha)
à son image
», Dieu nous présente une différence
originelle à accepter, une identité spécifique et une altérité fondamentale qui
traverse jusquau plus intime des corps et des manières dêtre. Dès les
premiers versets de la Bible , cest la relation avec Dieu qui est la garantie, le
fondement du tissage entrecroisé de relations humaines clairement définies et
diversifiées, sans confusion des rôles respectifs, au cur même de lhumain,
dans la complémentarité du masculin et du féminin. Les métissages sont possibles, les
rencontres sont souhaitables, sans confusions malsaines et sans mélanges contre nature,
dans la synthèse mais certainement pas le syncrétisme!
Un dernier texte nous a parlé, un peu comme un clin dil tardif . Après la
longue description faite par Paul de ceux qui ont raté leur rendez-vous avec le royaume
de Dieu, une respiration despérance se fait entendre:
«
Et cest là ce que vous étiez, quelques- uns dentre vous. Mais vous
avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au
nom du Seigneur Jésus-Christ, et par lEsprit de Dieu »
Il y a certes condamnation, mais aussi souffle despoir : lhomosexualité et
ses petites surs sont condamnées en tant que péchés, mais acceptées comme
blessures à guérir, comme dysfonctionnement à surmonter : ceux qui en ont souffert
peuvent trouver la capacité de changer,
1. sils acceptent de reconnaître et
de traverser leur souffrance,
2. sils rentrent dans une dynamique de
pardon et de réconciliation,
3. sils osent accepter lénigme
de la différence,
4. sils saisissent la main de Celui
qui apporte la consolation, la paix-guérison (shalom= paix, = guérison)
Juliette a osé relever le défi : elle a rompu avec sa compagne, elle a renoué avec
elle-même et avec sa propre histoire, quelle confie désormais à son Dieu, qui
laime avec la vigilance et lattention dun papa, et avec la tendresse
dune maman.
Elle ma appris que lhomosexualité pouvait se présenter comme un destin à
infléchir, comme une blessure à surmonter, comme une différence à assumer, comme un
tissu relationnel déficient à restaurer, comme une insécurité à dépasser.
Dans ce type de souffrance, lêtre blessé vit une blessure qui se situe par rapport
à lamour : lhomme, la femme, a été créé pour recevoir et pour donner
lamour ; mais la blessure occasionnée par autrui en freine la réception ou le don.
Je suis alors renvoyé à ma propre vulnérabilité, à ma quête du bonheur et du
bien-être ; à ma fragilité denfant qui quitte péniblement les entrailles de ma
mère : je sors seul, nu, faible, sans défense, dans un manque qui devient générateur
dangoisse et de nostalgie dune fusion perdue. En même temps, je peux me
lancer à la conquête dun monde nouveau, à la rencontre dautres êtres,
semblables à moi et différents de moi, tous fillettes et fistons dun papa, avec
les qualités dune maman, qui les aime dun amour éternel, au point
davoir donné pour chacun deux son Fils, son Fils unique ; qui les aime depuis
le premier jour, vibrant pour eux dans ses propres entrailles, et les invitant à marcher
avec lui, sur le chemin de la guérison !
Encore aujourdhui, je peux vivre une relation de confiance, malgré les béances du
manque, de la frustration, de la séparation et de la perte :
« Loin de là, jai lâme calme et tranquille , comme un enfant contre sa
mère. Jai lâme comme un enfant sevré » (Psaume 131,2).
3) Les questions que vous (vous) posez sur le sujet :
Quelle différence faites-vous entre lhomophile
et lhomosexuel(le) :
Lhomosexuel(le) est une personne ayant une attirance pour une personne du même sexe
: attirance physique, et/ou intellectuelle, sexuelle, affective. Lhomo. passif se
reconnaît cette attirance, sans passer à lacte ; lhomo. actif ,lui, passe à
lacte, dont celui de la sexualité. La sexualité ne se résumant pas à la
génitalité : prise dans le sens plus large (se tenir par la main, sembrasser,
penser lun à lautre
). Exprime son sentiment, son ressenti,
sinvestit dans une relation qui a un sens précis pour lui.
Lhomophile a des sentiments pour une personne du même sexe, ne passe pas à
lacte. Pour moi homophile et homo. passif sont deux synonymes. On peut avoir une
tendance à, une propension à, une pulsion de, un faible pour, sans forcément passer à
lacte. Personne nest pas non plus obligé dentretenir une pensée, une
idée (qui peut devenir fixe ou obsessionnelle). Lerreur (le péché) est de se
complaire dans, et/ou de passer à lacte.
Peut-on être homosexuel et chrétien ?
Oui : je connais des personnes qui se reconnaissent être les deux en même temps. Non,
car lEglise ne les reconnaît pas souvent. Cest surtout une question de
définition et de représentation quon se fait . Je crois quactuellement
léglise chrétienne se vit comme un lieu dadoration et pour le service du
prochain, mais pas (encore) comme un lieu de guérison, dans lequel des blessures et des
souffrances comme lhomosexualité (ou dautres blessures de lamour)
peuvent être identifiées, exprimées, accompagnées et soignées.
Existe-t-il une statistique sur lhomosexualité
dans les milieux chrétiens ?
Pas à ma connaissance. Cela ne me dérange pas. Mais le problème existe. Personnellement
je me méfie des statistiques et de lusage quon en fait.
Un(e) homosexuel(le) doit-il être systématiquement radié
ou chassé de lEglise ?
Question difficile et délicate : radier, cest laspect disciplinaire du groupe
de référence qui sexprime. La communauté est aussi concernée par dautres
aspects : groupe dappartenance ; sens de la blessure dans la trajectoire dune
vie particulière qui sinscrit aussi dans un contexte collectif ; capacité ou pas
à fixer des limites, à se positionner par rapport à elles ; comment conjuguer
justice/règlement et amour, tolérance, compréhension non laxiste ?
Je suis toujours interpellé par le côté « systématique » dune démarche. De
quelle marge de manuvre disposez-vous ? Quexprime-t-on quand on systématise
et quon diabolise ? Parfois la peur : la peur de celui que je ne connais pas, la
gêne face celui qui est différent de moi et qui minsécurise tout en me
surprenant.
Léglise doit essayer dintégrer ces différents aspects, aussi celui de lieu
de guérison, car la foi concerne lêtre tout entier (pas seulement une partie de
lui), et tout être (pas uniquement une élite de privilégiés).
Naît-on ou devient-on homosexuel ? Lattirance pour
quelquun du même sexe est-elle dorigine génétique, biologique, ou le
résultat dune erreur déducation ?
Nous soulevons par cette question le problème de linné ou de lacquis, du
personnalisme (toute puissance de la personne dans lorganisation de sa vie) et du
situationisme (cest le contexte, le milieu qui influence, qui conditionne).
Dans le débat général, je tiens compte des deux : je cherche un équilibre dynamique
(équilibration), entre linfluence du milieu (accomodation), et ma manière
personnelle et unique de lorganiser (assimilation) ; entre les déterminismes de
toutes sortes que je subis et les fonctions que je peux exercer.
Par rapport à lhomosexualité, les avis des scientifiques divergent, et les
recherches en cours sont trop récentes et fragmentaires.
Néanmoins, on peut dire quon ne naît pas avec une hormone dhomosexualité ou
un gène dhomophilie. Il peut y avoir u terrain qui prédispose, et des relations
dysfonctionnelles qui entraînent une réaction au lieu dune réponse mûrie:
1. parents trop rigides ou trop laxistes,
2. mauvais modèle didentification (voir lhistoire de Juliette) ;
3. ne pas accepter lenfant dans sa spécificité et émettre des messages toxiques :
lui reprocher implicitement ou explicitement quon aurait préféré quil ne
soit pas là, ou quil soit dun autre sexe que le sien. Ceci induit des
sentiments mortifères et des comportements inapproppriés : soit un sentiment de
culpabilité (jai contracté une dette à payer car jai transgressé une loi :
par exemple celle de ma famille dorigine qui dit que je naurais pas du être
là) ; soit de honte (je nai pas été à la hauteur des attentes des autres,
jai trahi les miens, je ne suis plus digne dêtre appelé leur fils,
quils me traitent comme un mercenaire)
4. influence actuelle de certains milieux branchés et surmédiatisés (monde de la monde,
du cinéma, du spectacle). Toutes ces vedettes auxquelles on essaie de ressembler, aussi
dans leur déni de la différence et dans leur refus de la limite
Que faire lorsque la pensée et les désirs sont continuellement
dirigés vers quelquun du même sexe ?
Une remarque : le mot « continuellement » me fait penser à un lien très fort, de
dépendance, de recherche fusionnelle.
Que faire ?
Dabord savoir que le niveau dimplication nest pas le même : la pensée
désigne un investissement intellectuel, rationnel, alors que le désir est plus de
lordre pulsionnel et à plus forte décharge affective. Ensuite chercher à voir
sil sagit une émotion ou un vrai sentiment : lémotion est passagère,
inscrite dans le contexte immédiat, plus dépendante des circonstances : exemple : je
peux ressentir une émotion forte (positive ou négative), comme la joie,
lexcitation, la jubilation ou la crainte, au moment du décollage de mon avion, ou
quand il atterrit. Quand je regagne le plancher des vaches, mon pouls se calme, je
maîtrise mieux la situation. Le sentiment lui, est plus durable est dépend moins des
circonstances : je suis uni par un sentiment damour à mon conjoint ,même quand il
est loin, la distance géographique nefface pas mon sentiment profond et réel.
Donc se poser la question : quel type de lien me pousse vers lautre ou munit
à lui : une émotion passagère ou un sentiment plus durable ?
Enfin répondre à la question : quelle fonction la personne ou les personnes concernées
remplissent-elles : me révéler un autre moi ? être le substitut de quelquun à
qui je tenais mais qui me manque, donc combler un vide ? mintroduire dans un rapport
de codépendance, ou je ne peux plus me passer delle ou de lui ? Comme le dit Paul :
« Tout est permis, mais tout nédifie pas
tout est permis, mais tout
nest pas utile
Tout est permis, mais je ne me laisserai pas asservir par quoi
que ce soit (1 Corinthiens 6,12 et 10,23).
Dans la relation humaine, il est important dapprendre à garder la bonne mesure
entre une certaine proximité relationnelle (intimité et une distance, pour éviter le
piège de la recherche fusionnelle, où lidentité et la personnalité propre de
chacun serait abolie.
Je ne crois pas quon puisse lutter contre une pulsion ou un instinct, mais on peut
apprendre à les canaliser. En parler, lexprimer verbalement ou corporellement,
laborder avec quelquun de compétent peut aider.
On évoque souvent la relation qui existait entre David et
Jonathan pour justifier lhomosexualité. Quen est-il vraiment ?
Votre question évoque lhistoire présentée dans 1 Samuel 18, verset 1 : « David
avait achevé de parler à Saül. Et dès lors, lâme de Jonathan fut attachée à
lâme de David, et Jonathan laima comme son âme
» Au verset 3,
Jonathan fit alliance avec David, car « il laima comme son âme
».
Il sagit dun lien très fort de proximité, non pas physique, ou simplement
émotionnelle, mais un attachement damitié authentique (qui peut donc exister entre
gens du même sexe), où lélément religieux, spirituel, est fondamental : être en
communion de pensée, en proximité « religieuse » (religion= ce qui relie), uni dans un
même destin, en harmonie, sinscrivant dans une histoire partagée où Dieu
lui-aussi trouve sa place.
Je ne vois pas là la trace dune quelconque homosexualité.
Vous savez, la Bible parle à dautres endroits de polygamie, alors vous pouvez aussi
la justifier, mais en oubliant que la Bible en parle non pas comme dun modèle à
suivre, mais comme une erreur à éviter, car elle a des conséquences dévastatrices et
funestes pour les générations suivantes.
Entre David et Jonathan, il y a un lien très fort, très beau, dans lequel lamour
de Jonathan va jusquà loblativité (altruisme qui renonce au trône qui lui
reviendrait normalement). Rien de condamnable, de suspect ou de répréhensible dans ce
rapport de grande qualité.
Jai connu un couple et des personnes homosexuels qui
semblaient très heureux, qui ne faisaient de mal à personne. Pourquoi les condamner ?
Moi aussi je connais des homosexuels heureux, jai des amis, qui vivent entre eux une
relation de fidélité et de solidarité. Et comme vous dites, « ils ne font de mal à
personne », bien plus, ils aident dautres gens, sans vouloir recruter des suffrages
en faveur de leur mode de vie. Ils demandent à être acceptés tels quils sont,
cest tout.
Maintenant jaimerais vous répondre que ce nest pas parce quon ne fait
pas le mal (porter préjudice à autrui, faire souffrir, commettre une injustice
),
quon ne fait pas le mal. Faire mal, faire du mal, se faire mal, faire le mal, ce
nest pas la même chose.
Je persiste à croire que la vie en homosexuel(le) est une erreur, lémergence
dune blessure, lexpression dun mode de vie, dune conception de la
vie qui nest pas celle prévue par Dieu, et qui renvoie à un déni de la
différence et un refus de certaines limites. Mais en disant cela, je ne veux pas avoir
une attitude de condamnation (surtout pas celle de condamner lautre à rester dans
cette dynamique qui mène à limpasse). Je veux me laisser interpeller par lui,
avoir une attitude non pas disjonctive (rupture, dédain, condamnation), mais conjonctive
: dialogue, échange, saine confrontation sur les valeurs différentes et opposées :
confrontation mais pas affrontement, avec un vainqueur et un vaincu.
Les églises ne se sentent pas à laise devant les
personnes homosexuelles. Elles sont aussi tentée de faire des compromis. Quelle attitude
le chrétien doit-il adopter vis-à-vis du problème?
Disons demblée que ce nest pas le seul problème où nous sommes mal à
laise. Cest la cas dans la plupart des problèmes de sociétés liées à la
sexualité. Nous renvoie à nos propres valeurs, à notre propre intimité, à notre
rapport avec notre corps. Sujet délicat, complexe.
On a peur de ce quon connaît mal : doù limportance fondamentale
davoir chez nous, des gens comme vous (et moi), qui se retrouvent pour surmonter ces
peurs, ces malentendus, pour instaurer un espace de réflexion, et déchange. La
prochaine étape sera (je ne dis pas serait), une structure daccompagnement : groupe
de paroles, de soutien et dentraide, démarche de soins. Encore une fois,
léglise est le lieu dadoration de notre Dieu, de partage de notre foi, mais
aussi le lieu de limpulsion du service en faveur du prochain, pour
laccompagner dans sa souffrance sur le chemin de la guérison de ses blessures.
Pose la question de léglise lieu de guérison, et là je ne me sens pas le droit de
dire quil y aurait des bons deuils à faire (décès, maladie, accident dont je suis
la victime), et des mauvais : divorce, sida, homosexualité, accidents dont je suis à la
cause.
Concrètement :
- groupe de paroles, déchanges, dentraide,
- transmettre limage du Dieu-papa et du Dieu-maman (dont par exemple limage
est donnée par le père du fils prodigue dans Luc 15, dans lhistoire de la famille
qui souffre, du départ du plus jeune, de la présence frustrée de frère aîné.
Les remèdes proposés:
- laccueil, la relation fraternelle et pas fratricide, sans pour autant faire
semblant que le mal est bien que le péché soit acceptable ;
- mettre la robe : voir à travers la justice du Christ,
- lanneau : passer une alliance qui reconnaît la dignité de tout être humain,
surtout la personne souffrante, car cest sur son visage que je rencontre la
shékina, la présence de Dieu,
- mettre aux pieds des sandales : il y encore un projet, un avenir à construire, sur le
chemin qui mène à la terre promise et à la réconciliation et au pardon, aussi pour
ceux qui boitent ou qui suivent des chemins de traverse.
- permettre une saine estime de soi et une bonne affirmation de soi,
- améliorer les relations familiales,
- inclure plus explicitement la problématique de lhomosexualité dans nos prières,
- permettre la gestion des deuils (voir feuille),
- permettre lexpression des blessures enfouies (oubliées), et infectées, en
sachant quelles peuvent être guéries.
Jean-Michel MARTIN |