Itinéraire
L'agriculteur creuse son sillon, le marin son sillage. Plus il connaît son coin de terre,
plus il franchit de caps, plus il aime la vie et mieux se manifeste les liens qui rattache
sa génération à celle des autres. Nul ne peut avancer dans la vie ou dans l'eau sans
faire de vagues. Le poète trace ses vers pour inviter au voyage des mots, à la balade
des sons et des images. Il jette devant lui une poignée d'avenir et engage à ne plus
ramper à la surface des apparences. Le voyageur attentif, qui tend l'oreille et qui ouvre
les yeux, peut écouter le bruit de fond du monde, percevoir les sons de la tempête, le
murmure de la bise, le chant de l'oiseau, pour qu'advienne en nous, autour de nous et
entre nous la musique magique des symphonies à composer.
Ces quelques poèmes, comme un cadeau à partager, comme une invitation à la fête, pour
ranimer la flamme de l'inspiration, sans réduire aux cendres du souvenir le feu de
l'espérance qui brûle en chacun. S'il faut souvent la lumière d'un malheur pour
éclairer un homme sous son vrai jour, il suffit parfois d'une simple présence, d'un
sourire pour ouvrir à nouveau la porte: présent d'une présence, avenir possible,
ensemble, nous qui sommes des témoins. Non pas des riches donnant à des pauvres, mais
des mendiants de l'Esprit, disant à d'autres mendiants où ils peuvent trouver leur
nourriture commune, celle qui apaise la faim et guérit les blessures. Il s'agit là de
notre vocation d'humanité, graine fragile qui a besoin, pour s'épanouir, de ce terrain
fécond qu'est la tendresse et de cette rosée divine qu'est le rêve devenu réalité.
Je pense qu'il vaut mieux allumer une petite lueur d'espoir, avec la vie des mots, que de
se battre contre l'obscurité et se complaire dans tous ses maux. Le soleil passe par la
grande verrière comme par un petit trou de serrure. Laisse-le entrer, sans mot dire et
sans maudire! Entre dans la farandole qui fait tourner la tête et chavirer les coeurs!
Qu'il soit plat principal ou spécialité locale, goûte au repas préparé par l'artiste,
retrouve le sourire, cette confiture sur la pain de la vie, qui rend le morceau plus
appétissant et évite qu'il soit trop dur à avaler!
Bon voyage, donc, ami pélerin, dans le périple seul ou dans le cheminement à deux ou à
plusieurs, en route vers le trésor à déterrer: non pas comme le pessimiste, qui se
plaint du vent contraire; ni comme l'optimiste, qui attend qu'il tourne; mais comme le
réaliste rêveur, qui règle sa voile dans la bonne direction, celle de l'Esprit, qui
"souffle où bon lui semble"!
Jean-Michel MARTIN |