AMI
Qu'importe ta peau, qu'importe ta race,
Tes aspirations, ta langue, ta foi,
Tout cela, vois-tu, n'est que carapace,
Et je tends la main si tu viens vers moi.
Tu partageras mes jours de lumière,
Tu ne verras plus la grise misère,
Nous serons tous deux plus riches qu'un roi.
Laisse s'estomper les sombres orages,
Et mille couleurs brilleront pour nous ;
Il y a plus haut que les noirs nuages :
Un soleil de feu, un ciel de mois d'août.
Les douleurs parfois ont un goût de miel,
Comme la nuée a son arc-en-ciel,
Et comme l'hiver sa branche de houx.
Il y a des fleurs sur les immondices,
Des bulles d'argent dans les caniveaux,
Un bonheur caché dans les sacrifices,
Et de l'espérance aux matins nouveaux ;
Il y a toujours des airs de guitare,
Et, c'est dans la nuit qu'apparaît le phare
Guidant le chemin houleux des bateaux.
Il y a des mains pour serrer la nôtre,
Des parfums d'amour pour nous embaumer,
Et loin des chagrins où l'homme se vautre,
Il y a des riens pour nous enflammer.
Mais pour voir un jour l'amitié renaître,
Il faudrait demain pouvoir se connaître,
Pour mieux se comprendre et pour mieux s'aimer.
Michel BEAU
Bientôt l'été
Boule de neige, tamaris, lilas
Marguerite, coquelicot, bleuet,
Bois-gentil, muguet et le seringat
Des jardins, des champs, des haies ou des bois.
Sur pied, en brassées, en petits bosquets,
Ils donnent émerveillement, émoi.
Bien que les narcisses fanent déjà,
Avant de flétrir, passant le relais
A l'ancolie, au lupin, au zinnia.
Contemplons là-haut, l'or du cytise,
Les cascades: blanches de l'acacia,
Mauves des glycines
dans la brise;
Pour peindre leurs doux pastels sur le ciel,
A la douceur du soir dans la saulaie
En prêtant aux nuées un ton de miel.
Ginette Mayer (Juin 1987)
Fin d'été
Depuis quelques heures seulement c'est l'automne,
Mais la plupart des arbres sont encore bien verts.
Avant que le temps devienne monotone,
Allons vite sur ce banc, il nous est si cher !
Viens sous le noyer avant qu'il ne soit trop tard.
Le soleil arrose les clairs pâturages
Et les initie aux pâleurs sans ombrage
Des arbres fondus par les journées de brouillard.
Bientôt dans le doux secret des matins ouatés,
Quand tous les voiles moirés seront levés,
La nature, sûrement deviendra teintée
Au-dessus des longues ombres déjà lovées.
Viens près du banc de pierre, viens asseyons-nous,
Regarde : un rayon de poussière dorée
Effleure tes cheveux et frôle tes genoux.
Les noix en robes vertes sont déjà parées.
Ginette Mayer (Septembre 1979)
SALEVE
d'OCTOBRE
Voici à nouveau l'avant-veille de l'hiver.
Le Salève transforme ses différents verts
En tons chauds, par nostalgie du dernier été.
Sur la palette, les tubes ont éclaté !
Au petit matin, par la rosée avivée,
A contre-jour, la roche grisée ou bleutée
Tend le fond idéal pour la toile rêvée,
Où les mélanges mordorés seront teintés.
Ici, le pinceau n'a pas encore effleuré
L'orange, tout près d'un jaune d'or déposé.
Tandis que la terre d'ombre, comme apeurée,
Tempère, discrètement osée.
Contemplons ce tableau, changeant d'heure en heure !
Sa splendeur, par la main du Maître, demeure.
Son vernissage, par les pluies diluviennes,
Passera avant que le brouillard ne vienne.
Quel peintre peut donc harmoniser pour nos yeux,
Ces camaïeux de la nature ?
Ne cherchons pas, ce ne peut être que Dieu !
Ce poète met partout sa signature.
Ginette Mayer
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