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James-Edson WHITE (1849-1928) et lépopée du
bateau-missionnaire
le Morning Star
Survol biographique
James-Edson WHITE né le 28 juillet 1849 aux Etats-Unis, est le deuxième
fils de James et Ellen WHITE. Il est le jeune frère de Henry-Nichols, né le 26 août
1847, décédé en 1863, à l'âge de 16 ans, suite à une pneumonie (il était un
excellent musicien et chanteur); et de William-Clarence, né le 29 août 1854 , qui
deviendra pasteur, et qui mourra en 1937. Un autre frère, John-Herbert, né le 20
septembre 186, ne vécut que trois mois.
James-Edson connut une enfance heureuse dans la maison familiale à
Battle-Creek (Michigan), et à lâge de 15 ans, il est employé de bureau de la
petite maison dédition, la Review and Herald, dont son père était le fondateur et
le président. Cest là quil put se familiariser avec lart difficile de
limprimerie. Le 28 juillet 1870, jour de son 21ème anniversaire, il épousa Emma
MAC-DEARMON. Son épouse lui sera une compagne fidèle et précieuse, le
soutenant au gré de leurs déplacements et le suivant dans leurs nombreux périples.
En effet, les années suivantes furent mouvementées et riches en rebondissements: en
avril 1877, J.E.W. fut appelé comme secrétaire à la Pacific Seventh-day Adventist
Publishing Association, maison dédition nouvellement installée à Oakland, en
Californie. Il en devient ladministrateur pendant trois ans, tout en supervisant le
travail de publication. Il publie lui-même un recueil de chants chrétiens et de
cantiques, le Song Anchor and Temperance Songs, contenant des textes et des partitions
musicales utiles au chanteur et au musicien.
Vers 1880, il réside à Battle-Creek (Michigan), où il prépare des manuels
détude de la Bible, des questionnaires pour enfants et adultes, tous élèves de
lEcole du Sabbat, léquivalent des Ecoles du Dimanche chez les protestants. Il
faut dire que J.E.W. fait partie de léglise adventiste du septième jour, dont les
membres se réunissent le samedi (le sabbat). En janvier 1886, il imprime un deuxième
recueil de cantiques, le Joyful Greetings for the Sabbath School. Son intense activité
déditeur le voit préparer, publier et diffuser de nombreux ouvrages sur des
thèmes aussi variés que la cuisine, la santé, les affaires, les bonnes manières, la
spiritualité.
Le principale reproche qui lui est adressé par ses proches et ses collaborateurs st son
caractère difficile, doublé d'une fâcheuse tendance à s'endetter. Notre intrépide
aventurier, futur capitaine, pasteur missionnaire, homme courageux, mais gestionnaire
imprudent, n'a pas vraiment la confiance de ses supérieurs hiérarchiques, ce qui ne
l'empêche cependant pas de mener à bien certains de ses projets. Le jeune J.E.W.
développe des traits de caractère et des comportements qui n'enchantent pas forcement
ses parents: en matière d'habits, il est extravagant, ses sautes d'humeur sont
imprévisibles, son appétit insatiable, sa soif de découverte débordante, et sa
capacité de gérer sérieusement un budget singulièrement limitée! Tantôt déprimé,
tantôt prêt à se lancer à la conquête du monde, il place souvent ses proches dans des
situations invivables, l'argent manquant pour honorer tous les engagements qu'il avait
pris.
Inguérissable faiseur de projets, J.E.W. envisage d'étudier la médecine à Florence
Heights (New-Jersey) avec son frère William; puis d'étudier la comptabilité à Detroit,
tout en y travaillant à la Tribune de Detroit comme journaliste; avant d'essayer
(vainement) de vendre une chaise pliante de son invention. Avec son épouse il ouvre une
pension de garde pour jeunes enfants, puis une école, qui elle aussi fermera pour...
faillite. Années difficiles, dans la précarité matérielle et l'instabilité. Cette
situation n'empêche pas notre héros, qui décidément n'en est pas à une contradiction
prêt, de publier un article intitulé "How to do Business" (Comment faire des
affaires). Il se disperse trop, son efficacité laisse encore à désirer, et petit à
petit son cur se remplit d'amertume et d'insatisfaction.
Le couple se rend d'abord dans le Michigan, à Battle Creek, pour y travailler au sein de
la maison d'édition , puis il se rend à Minneapolis, où il établit la James Edson
White Publishing Company, une nouvelle maison d'édition, tout en vendant des instruments
de musique. Le couple retourne à nouveau dans le Michigan à Battle Creek, pour y faire
du colportage (diffusion et vente de livres religieux et éducatifs).
Lannée 1893 correspond chez J.E.W. à un réveil religieux dans sa vie personnelle,
et au désir de se stabiliser. Il tombe sur un petit ouvrage écrit par sa mère, Ellen G.
WHITE, intitulé Our Duty to the Colored People (Notre devoir envers les gens de couleur),
ouvrage qui le sensibilise et le conforte dans son désir de commencer un travail
éducatif plus systématique en faveur des noirs, dans le sud profond. A cette époque, on
ne voyait guère lintérêt de sadresser à cette population analphabète,
pourvoyeuse de main duvre à bon marché et corvéable à merci. En ce sens
J.E.W. nage à contre-courant de son temps, lui qui considère toute personne comme une
créature de Dieu, dont tous les enfants sont égaux en valeur. J.E.W., âgé de 34 ans,
déclare:
"Un sabbat, alors que j'écoutais un sermon... je décidais qu'il était temps pour
moi de bénéficier, ici et maintenant, des bénédictions de mon sauveur, sans plus
attendre une autre opportunité... Je franchis cette étape d'un coup, et il me
prit..."
Ayant déjà une certaine expérience de navigation sur le Mississippi, il décide
dacquérir un bateau missionnaire, le Morning Star (lEtoile du Matin), qui est
construit en 1894 à Allegan (Michigan), sur les bords du fleuve Kalamazoo, et dont il
devient propriétaire pour la somme de 3.700 $. Ce navire devient son lieu de résidence
mobile, et il abrite aussi de la place pour ses collaborateurs, avec une petite chapelle,
une bibliothèque, un atelier photographique, une cuisine, une chambre à coucher, des
installations sanitaires rudimentaires, des réserves alimentaires. La stratégie est donc
la suivante: pénétrer le sud profond par le Mississippi et ses affluents, tenir des
réunions sur le bateau, habiter sur l'embarcation, acheter des terrains et y construire
de petites églises avec des petites écoles, rayonner à partir de ces points fixes, et
continuer l'implantation en profondeur.
Notre capitaine recrute des personnes à " lesprit missionnaire ", qui
sont prêtes à sengager activement en faveur de la cause quil défend,
renonçant davance à tout salaire, acceptant les piqûres de moustiques, les
conditions inconfortables, lincompréhension. Elles doivent être capables
daccomplir des tâches aussi diverses que les travaux ménagers et dentretien,
la vente et la diffusion de petites brochures ou de livres, le tenue de réunions
religieuses le long de la rivière Yazoo (Mississippi), le présentation de cours aux
enfants noirs (sous la direction dEmma, lépouse de J.E.W.), linitiation
des femmes et des filles à lapprentissage difficile de la lecture et dune
cuisine saine. Les élèves apprennent très vite à chanter les Gospels
Lépopée du bateau-missionnaire le Morning Star
L'activité à partir du bateau est difficile, mais elle porte rapidement ses fruits: au
début, visite de l'église baptiste à Vicksburg, puis à celle de Mont-Sion à Fort
Hill. La population noire accueille favorablement ses bienfaiteurs, sauf les
propriétaires et les autorités ecclésiastiques qui voient d'un mauvais leurs
"moutons" leur échapper. La résistance ouverte s'organise, car des gens se
font baptiser. Les portes des église de Vicksburg se ferment, et l'équipage est prié de
quitter les lieux (ce qu'il refuse de faire). Un terrain est acheté, sur lequel on érige
une petite chapelle, pour la somme de 160 $ (sans dettes). Une petite salle
supplémentaire sert d'école, mais elle s'avère rapidement trop exiguë, vu le nombre
d'élèves intéressés à suivre les cours de lecture, de diction, d'écriture,
d'arithmétique, de grammaire et de Bible. Le travail est exténuant, et Emma tombe malade
en août 1896: elle est renvoyée au Colorado, où sa mère s'occupe d'elle jusqu'à ce
qu'elle puisse retourner dans le sud.
Des petites églises sont construites, dont la première à First East Street, de petits
édifices scolaires sont érigés. L'année 1895 marque la naissance d'une structure
autonome (self supporting), par la création d'une société missionnaire (La Southern
Missionary Society), dont le quartier général est localisé à Yazoo City (Mississippi).
J.E.W. privilégie en 1897 une activité pastorale, il organise des cultes et des
réunions sur le bateau, il multiplie des tracts grâce à un appareil ingénieux dont il
est l'inventeur, et il parcourt inlassablement le Yazoo, établissant de petites chapelles
et de petites écoles En 1898 il publie à partir du bateau un ouvrage de 115 pages, le
Southern Work (Travail pour le Sud) comprenant l'appel de sa mère en faveur de travail
pour les noirs, et une série d'articles invitant les croyants à concentrer leurs efforts
vers les états du sud. Les besoins sont tellement grands, la misère tellement criante,
que les missionnaires n'hésitent pas à offrir leurs propres habits, une part du peu de
nourriture dont ils disposent, autant de beaux gestes, très appréciés, mais qui en
même temps ne permettent pas aux noirs d'être autonomes, les maintenant dans un certain
état de redevabilité par rapport aux missionnaires. Ceux-ci sont d'ailleurs conscients
du problème, et ils cherchent à y remédier (en partie), par le développement
d'activités plus artisanales et industrielles, telles que la boulangerie (apprendre à
moudre le grain, à travailler la farine et la pâte, cuire du pain) ou par un projet de
tissage (qui n'aura pas le temps ni les conditions favorables pour aboutir).
Un journal, le Gospel Herald (le Hérault de l'Evangile) est lancé en mai 1898 à partir
de Yazoo City, qui sert de support à la diffusion des idées. Un article dénonçant le
statut précaire des métayers, et les nombreuses conversions d'ouvriers noirs (dont
beaucoup refusent de travailler le samedi), provoquent l'hostilité croissante des
propriétaires qui réagissent: 25 d'entre eux clouent les portes et les fenêtres de
l'école, chassent l'enseignant blanc et brûlent cahiers, cartes et livres. Leur coup de
force atteint son apogée quand ils passent à tabac un des leaders noirs de la
communauté adventiste, le pauvre N.W. OLVIN, qui ne doit la vie sauve qu'à
l'intervention musclée et courageuse d'un blanc, n'hésitant pas à menacer les
assaillants de son revolver. D'autres personnes jettent de la dynamite sur le bateau, et
chassent l'instituteur F.R.ROGERS par des coups de feu tirés sur lui dans la rue à Yazoo
City.
Une société officielle est créée en 1898, la Southern Missionary Society (reprenant le
même nom que la première société), propriétaire légale des terrains achetés et des
locaux construits. J.E.W. en est le président. En 1899 est constituée la Société de
Produits Alimentaires Dixie (la Dixie Health Food Company), avec F.H. SCHRAMM comme
directeur.
F.R.ROGERS et son épouse entament un travail éducatif, instruisant à Yazoo City plus de
250 enfants à l'école primaire. L'hostilité exprimée face aux blancs oblige le couple
à céder sa place à des enseignants noirs. J.E.W. quant à lui continue inlassablement
à chercher des fonds pour financer le travail missionnaire, tout en écrivant et en
publiant une dizaine de livres, dont le bénéfice des ventes finance partiellement le
travail. Ces ouvrages d'édification religieuse, dont Best Stories from the best Book
(Meilleures histoires du meilleur des livres), Past, Present and Future (Passé, Présent
et Futur), The Coming King (Le roi à venir), sont vendus à plusieurs centaines de
milliers d'exemplaires. Il est difficile d'en évaluer l'impact réel.
En 1900, l'imprimerie est installée au sein d'une petite maison d'édition située à
Nashville, sous les auspices de la Southern Missionary Society.
Les principales difficultés rencontrées sont d'ordre racial et socio-religieux: les
pasteurs noirs s'opposent aux missionnaires parce qu'ils prêchent l'observation du sabbat
comme jour de repos (commémorant la création) et le paiement d'un dixième des revenus
(la dîme); les blancs eux sont franchement hostiles car les missionnaires agissent contre
leurs intérêts, en éduquant les noirs, les émancipant et leur transmettant des
méthodes de travail plus modernes, ce qui provoque un risque de changement. Le travail
d'éducation et d'amélioration des conditions sociales, économiques et de justice a des
implications politiques, et constitue à plus ou moins longue échéance une menace pour
les propriétaires blancs, qui vivaient encore dans une mentalité esclavagiste
d'exploitation des plus faibles.
Le travail se poursuit sans relâche, et en 1902 une deuxième chapelle est inaugurée à
Vicksburg, en présence de la mère de J.E.W., Ellen WHITE, et de l'un de ses frères,
William WHITE. Par la suite, le bateau se déplace sur le fleuve Cumberland, avec
Nashville comme nouveau port d'attache.
En 1904, le bateau entame une dernière tournée, et un terrain est acheté, sera lequel
sera érigé le Collège Madison. Le bateau coule en 1905, suite à la négligence d'un
veilleur. En 1906, le bateau, qui n'a pas été reconstruit, est démonté, avec
l'intention d'en utiliser les planches et les installations récupérables comme
matériaux pour l'édification de la nouvelle imprimerie que J.E.W. voulait ouvrir.
Malheureusement, le bois brûle, et les restes du bateau disparaissent en fumée, marquant
la fin d'une période épique. L'étoile qui servait d'emblème au bateau orne pendant des
années la devanture du Collège Oakwood, à Huntsville (Alabama).
J.E.W. quitte la présidence de la Société Missionnaire, mais continue à diriger son
imprimerie établie près de Nashville. Le livre qu'il publie, L'histoire de Joseph, se
vend bien et rapporte plus de 10.000 $ en 6 ans. Les profits sont réinvestis dans les
activités en faveur du sud. La petit imprimerie fleurit, et devient la Southern
Publishing Association. J.E.W. est très fatigué, mais le travail accompli porte des
fruits durables: en 1906, 10 écoles sont ouvertes dans le Mississippi, avec 220 enfants;
et en 1908, la Société Missionnaire compte 28 écoles missionnaires, avec un effectif de
1.000 élèves. Le Collège d'Oakwood est l'institution la plus florissante, continuant
encore aujourd'hui son travail éducatif.
En 1912, rongé par les rhumatismes et pratiquement invalide, J.E.W. retourne dans le
Michigan, à Marshall, où il lance une usine de diapositives stéréoptiques. Il s'avère
être un photographe de talent, produisant des clichés noirs et blancs, auxquels il
ajoutera lui-même de la couleur. Cette activité artistique et industrielle lui permet de
créer du matériel pédagogique utile pour le travail des enseignants, des éducateurs et
des pasteurs.
Les années suivantes sont difficiles: en 1915, décès de sa mère; en 1917, décès
d'Emma, qui le laisse comme orphelin, avec aucun enfant pour le consoler. Années de
solitude, entrecoupées de souvenirs, peuplés des aventures vécues à bord du Morning
Star. En octobre 1922, il épouse Rebecca BURRIL, l'infirmière qui s'occupait de lui. Le
couple déménage finalement à Otsego (Michigan), où J.E.W. finit ses jours. Il dirige
de plus en plus son esprit vers le passé, vers l'épopée vécue. Quelques semaines avant
son décès, il écrit une dernière lettre à son cher frère Willi:
"Je décline rapidement... J'aimerais t'envoyer une parole d'amour et de
gentillesse... Je n'aurai plus le temps de t'en envoyer d'autres. Mon frère, je dois
aller à la rencontre de Dieu en paix. Je te prie de te pardonner tout le mal que j'ai pu
te faire dans le temps de ma vie...".
Il s'éteint paisiblement le 30 mai 1928, nous laissant 12 volumes qui ont fortifié
beaucoup de gens. Il a contribué à l'éducation et à la liturgie par ses compilations
de recueils de cantiques. Son apport principal reste le travail en faveur des gens de
couleur, dans la marche vers la libération de toutes les formes d'esclavage. Il a
certainement tourné les plus belles pages de la navigation et du travail missionnaire
dans des régions autrement inaccessibles.
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